De Strasbourg à Anvers – Parcours d’étude du corps humain
L’image accompagne la médecine depuis son origine. En rupture ou en continuité avec la tradition, quelle forme la synergie entre les arts et les sciences adopte-t-elle aujourd’hui? Quelles en sont les pratiques contemporaines?
En tant qu’illustrateur médical, mon travail s’adresse spécifiquement aux chirurgiens et se base sur la représentation de l’anatomie humaine. En tant qu’enseignant dans une école d’art, j’aborde des questions liées à la transmission du savoir par l’étude du corps vivant ou mort, une pratique qui nécessite un positionnement spécifique.
Certains artistes visuels décident de s’engager spécifiquement dans l’étude du corps humain. Au sein du cursus d’une école d’art, certaines formations incluent un apprentissage de l’anatomie par une immersion à la faculté de médecine. Si en école d’art, le dessin occupe naturellement une place fondamentale, il est intéressant de noter une similitude d’approche, plus implicite que formelle, dans les facultés de médecine. Par exemple à Strasbourg, les cours magistraux d’anatomie destinés aux étudiants de médecine sont basés sur l’élaboration de dessins à la craie sur tableau noir, matérialisant les notions anatomiques exprimées verbalement par l’enseignant. Lors des travaux pratiques d’anatomie, les étudiants sont confrontés à des préparations anatomiques conservées dans des bocaux et font appel au dessin en tant qu’outil d’analyse et de compréhension.
L’utilisation du corps mort pour apprendre l’anatomie soulève de nombreux questionnements. Pour les étudiants en art, cette approche ne va pas de soi. L’accès aux lieux qui montrent à voir des corps disséqués, (au sein d’institutions médicales, universitaires, soumis à des règlementations), nécessite de la part de l’artiste une justification, un but précis. Le contexte du don du corps à la science implique une éthique qui va pousser l’artiste à positionner sa démarche de façon forte et singulière. Comment va-t-il utiliser les images réalisées dans ces conditions particulières, dans quel objectif?
A la Haute école des arts du Rhin (HEAR), nos étudiants s’engagent dans la communication visuelle au service de la transmission du savoir médical. Le fait d’adresser notre travail à la médecine, inscrit notre action dans le corpus transdisciplinaire médical. Et c’est cela qui justifie nos accords avec les institutions partenaires pour continuer à délivrer notre formation, basée sur l’accès au corps.
L’imagerie médicale et notamment le recours aux reconstructions en trois dimensions à partir d’un scanner, permettent l’étude sur le corps vivant. Si la nature des informations récoltées par rapport à la dissection sur cadavre s’en trouve radicalement changée, les questions d’accès, de légitimité et d’éthique (non pas par rapport à un défunt mort mais par rapport à un patient vivant) restent similaires sur de nombreux points.
Comment les artistes peuvent-ils investir cette pratique de l’anatomie ?
Le terme d’illustration médicale recouvre une partie des champs d’application possibles. Elle consiste à réaliser une communication visuelle restituant un contenu médical pointu, le plus souvent destiné à d’autres spécialistes de santé.
L’illustration médicale se destine également à l’industrie de la santé désireuse de communiquer sur des produits innovants tels que les prothèses et les implants.
Toutes ces activités sont basées sur une étroite collaboration avec le médecin. Cette immersion dans le monde médical est pour moi un engagement, une pratique professionnelle, pédagogique mais aussi la source d’une réflexion sur le rapport au corps et sur ce qui peut en être dit par des moyens artistiques.
En travaillant sur les représentations anatomiques, je me suis rendu compte que l’intérieur du corps est souvent perçu par tout un chacun avec méfiance, voire dégout, rattaché à l’image de la maladie et de la mort. Serait-il possible de regarder cette chair et cet esprit pour ce qu’ils sont, coexistant dans un seul et même instant de gloire ?